Du 16 au 28 novembre 2015, Port-au-Prince reçoit pour la douzième fois le Festival Quatre Chemins. « L’art n’est rien », « Désordres dans la ville », « La théâtralité » sont des termes clés de l’édition de cette année. A cette occasion, 11 artistes d’art contemporain, réunis sous le collectif Scénos Urbaines, vont occuper les rues et ruelles du Bas Peu de Chose.
Venus d’Europe, d’Amérique du sud et d’Afrique, ils sont de pratiques multiples, touchant les enjeux de l’art contemporain : Catherine Boskowitz(France), Steven Cohen (Afrique du Sud), Maksaens Denis (Haiti), François Duconseille (France), Anahita Hekmat (Iran-Usa), Judith Hofland (Pays Bas), Jean-Christophe Lanquetin (France),Androa MindreKolo (RD Congo),Sellopesa (Afrique du Sud),Nathania Pericles(Haiti),Beatriz Santiago Munoz (Porto-Rico).Ces artistes présenteront leurs performances et travailleront en intéraction avec le quartier de Bas Peu de Choses. Leur projet est centré sur la théâtralité à travers différentes formes d’expressions qui vont au-delà des conventions classiques du Théâtre, de la scène. Ainsi, performance, danse, son, photographie, installation, texte,émergeront dans les espaces urbains.
Selon l’artiste, scénographe français Jean-Christophe Lanquetin : « Poser la question du ‘théâtre’ est une manière d’interroger cette notion, sa pratique, ses lieux et espaces, son histoire, ici dans le contexte de Port au Prince – Haïti, mais aussi au-delà dans les villes – particulièrement les villes émergentes qui sont probablement aujourd’hui les principaux espaces de théâtralité(s) contemporaines. »
Cependant, poursuit-il avec la pensée de Jean Genet« la théâtralité n’est pas le théâtre, même si tous deux sont liés via notamment des mécanismes de mise à distance afin de penser, (théâtralité et théorie sont proches). Elle s’inscrit, souvent incomplète, fragile, dans le flux de nos vies. Elle n’a pas besoin de s’isoler, elle n’a pas besoin d’une scène, d’un cube noir ou blanc. Elle est mouvement des têtes, instant perçu, son qui nous parvient. Elle se perd dans une multitude de micro actions, de gestes fugaces, de tentatives d’apparaître. »
A Port-au -Prince elle est partout, extrêmement présente, souvent hyper visible, aussi bien dans le quotidien que lors d’événements singuliers, affirme Jean Christophe qui lui aussi présentera une performance au cours du festival. Cette ville est une puissante surface d’inscription esthétique renfermant une richesse instinctive forte, elle est source d’inspiration exceptionnelle.
Plusieurs des représentations des scénos urbaines seront des performances, c’est-à-dire des actes de créations instantanées. En effet, différent d’une pièce de théâtre, elle est spontanée.Elle s’inscrit surtout dans une perspective créatrice singulière, renfermant de moins en moins de préméditation et de maîtrise raisonnée : c’est une sorte de représentation où on ne peut quasiment reproduire ce qui s’est passé.Le théâtre est faux, déclare l’artiste, performer Marina Abramovic. Pour lui, la performance est un concept différent du théâtre, elle est plutôt question d’imprégner la notion de la vraie réalité.
L’objectif particulier que présente le collectif « Scénos urbaines » est surtout de créer des œuvres artistiques à destination de tous, d’aller au centre de la ville et d’inventer une pluralité de scènes transcendantales, via des dispositifs d’intensification, des ralentissements ou des accélérations. En final, Jean Christophe affirme que « la théâtralité est une co-présence active où les rôles s’interchangent dans l’espace-temps d’un geste de création qu’elle soit quasi invisible ou hyper visible, une performance collective, esthétique, sociale, mystique, politique, artistique. »
Ce douzième Festival Quatre Chemins offre un programme divers, des lectures de textes dramaturgiques caribéennes contemporaines, des performances,des conférences, des rencontres avec des professionnels d’ici et d’ailleurs, pour le plus grand plaisir des festivaliers.
Frantz Samuel SUFFREN