Vous ne connaissez pas le Moombahkonpa? Non… ! Vous l’aviez pourtant dansé pendant deux ans. Mieux encore, vous continuez à le danser avec le méga-hit Map byen pase. Laissez-moi vous apprendre encore des trucs ! Ce hit a été produit sans piston et uniquement avec un micro et un ordinateur portable de deux gig ram. Le génie derrière tout ça ? Vous le connaissez sûrement. Bien ! Cependant pour redécouvrir l’inspirante histoire du génie en mode sa bon wi, AlCol ; croyez-moi, le détour en vaudra vraiment la peine….
AlCol ? C’est le sobriquet d’une blague niaise sur les bancs de l’école. Un ami d’Alim Bénédict Aubry Colin, réduit à Alim Colin par l’école pour faire plus court, lui disait : « Tu t’appelles Alim, Al et Colin, Col donc AlCol… » Depuis le nom est resté au point de devenir le nom d’artiste d’Alim. Si son nom d’artiste lui a été attribué sur les bancs de l’école, sa première rencontre avec la musique plus particulièrement le rythme s’est aussi fait sur les bancs de Saint-Louis de Gonzague où avec une plume et son poing, il tapait sur les bureaux pour le free-style de ses camarades. C’était l’époque des beaux jours de BC et son beat de prédilection était celui du titre Kijan l te ye. Souvent, ses camarades n’arrivaient pas à suivre et devinez… Alim venait à leur rescousse. Depuis, il s’est découvert une facilité pour la versification. Une capacité qu’il améliorera en seconde en intégrant la Section B…
Alim, c’est un aussi un poète, romancier, danseur et comédien. D’ailleurs, sa joie de vivre est manifeste dans ses compositions. Encore un ami le conseillera de mettre des paroles sur les beat de table. Ainsi en 2012 avec l’aide ses camarades et un ami qui lui fournira le beat, il sortira son premier titre en tant que rappeur, Met dife toujours disponible sur soundCloud et les réseaux sociaux. Il enregistrera par la suite d’autres séquences mais son public était réduit aux élèves de Saint-Louis de Gonzague et les élèves de chez les sœurs. Il y voit le début de sa popularité : « Ma popularité a commencé à partir de là.. »
AlCol voulait plus mais le manque de fonds l’empêchait d’avancer. Il a alors décidé de tout faire seul chez lui. Entre temps, l’ami qui lui fournissait les beat n’était plus disponible. La raison ? Paran l se lekòl yo te voye l ! Pour empêcher que son ami soit en contravention ses parents, au lieu de se rendre chez lui, il se mit seul à fond dans ses projets et par le biais d’un autre ami, il trouva en emprunt un lap top de deux gig ram. Son intérêt pour le beat-making se verra développé jusqu’à atteindre un certain niveau et il débutera activement en 2014 en tant que DJ/beat-maker. Il voulait d’ailleurs être DJ depuis le 21 décembre 2012 à un programme à Tara’s où il assistait à un duo de DJ. Avec son ami beat-maker, il formera Lemond Dealers qui ne fera pas long feu. Lors d’une soirée, une mésentente entre Lemond Dealers et l’ingénieur de son obligea AlCol à entrer chez lui frustré. Ce soir-là, son premier hit est né…
Eh oui…le 19 octobre 2014, il produisit le beat konyen Nòmal qui paraitra en janvier 2015 marquant du même coup son entrée officielle sur la scène musicale haïtienne. Depuis les choses se sont mises à tourner rapidement : les contrats augmentèrent et le public est devenu plus exigeant. Si vite que l’année suivante il produira pratiquement un hit international Map byen pase. Ce tube n’était pas uniquement un méga hit mais la première pierre d’un sous- genre venant agrandir l’univers rythmique haïtien. Il s’agit du mélange du genre musical Moombahton et de quelques éléments rythmiques du konpa qui donnera le Moombahkonpa. L’idée derrière ce hit était claire : trouver un tube capable de marcher dans les clubs. Résultat ? Map byen pase s’est transformé en hymne des clubs haïtiens en Haïti comme en terre étrangère et ce depuis deux ans…jusqu’à attirer l’attention d’un africain, Mc Galaxy pour un remix…
Si depuis Map byen pase, l’artiste semble plonger dans un apparent silence, AlCol répond ne pas être pas un entertainer mais un artiste : « L’entertainer est toujours en quête de hit tandis que l’artiste a une autre façon d’aborder les choses car il produit de l’art. C’est la raison pour laquelle je n’avais rien sorti en 2017. Je ne voulais pas tomber dans ce piège… J’invite le public à comprendre cette mouvance. » Aussi par rapport à ses possibles craintes qu’il n’arrive pas à reproduire un hit comme Map byen pase , AlCol se veut confiant : « On avait les même craintes concernant Konyen Nòmal pensant que c’était la chance du débutant et j’ai produit Byen pase. Je ne dirai pas que je dépasserai Map byen pase, je ne dis pas non plus que je ne le dépasserai pas. Je continuerai à produire et mon travail fera son chemin… »
Par rapport au Moombahkonpa dont il est le père, AlCol estime n’avoir reçu aucun accompagnement des instances concernées particulièrement du Bureau des droits d’auteur tout en précisant que les démarches n’en valent pas la chandelle : « Admettons qu’un autre artiste vole une de mes productions. Je dépenserai beaucoup plus pour le procès que le potentiel dommage que mon collègue m’aurait causé. An n di m genyen pwosè a ! Ki kòb endistri mizik la gen ladan l pou yon nèg peye m pou yon pwodiksyon m li pran ? Epitou depi lè enstans sa la, konbyen fwa ou tande yo jije yon mou pou sa ? Nou tout konnen sa toujou fèt ! Nous faisons les choses mal ! » Il dénonce aussi le peu d’intérêt accordé à ce nouveau genre bien que tout le monde le danse : « En Haïti, nous vivons ce que j’appelle le phénomène Osaka (La joueuse de tennis japonaise d’origine haïtienne). On attend qu’un haïtien réussisse à l’étranger pour le récupérer mais pas quand il évolue parmi nous. Nous attendrons surement qu’un artiste étranger chante sur un Moombahkonpa pour dire Woow, AlCol, un haïtien en est le père… »
L’artiste n’entend pas tout de même se décourager, il a fait le choix de la passion : « Pour l’instant, je vis de la musique et si cela ne marche pas, je trouverai autre chose(Rires) » Il a continué pour dire que la musique, en Haïti, lui a appris à se contenter d’un minimum tout en espérant beaucoup mieux surtout qu’il est dans l’achat des nouveaux matériels : « Ma satisfaction c’est de pouvoir faire tourner la maison avec et aider mes petits frères… » Parlant aussi de ses projets, AlCol a précisé que la fin d’année est consacrée pour la préparation de l’année qui vient et au fait qu’il étudie des possibilités à l’étranger mais on le trouvera sur les réseaux sociaux à continuer les séries où il utilise un pot d’eau et du caoutchouc pour produire un beat.
Vous serez étonné sûrement ! Quelle est la formule de ce génie arrivant à faire danser tout un pays deux fois consécutives avec un lap top de deux gig ram et un micro et ce sans piston ? Abrakadabra ! Am, Stram, Gram ! Non… Pour AlCol, il a été question de ne pas croire aux idées préconçues comme quoi pour réussir il faut être médecin, avocat, ingénieur… ; il s’est laissé guider par sa passion l’entrainant sur les rives de la découverte en mode sa bon wi. Le reste de l’histoire, vous le connaissez ! Un créateur génial est né.
Un autre hit arrivera bientôt…
Alain Délisca.